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Une entreprise sans patron et sans salaire: 59 chômeurs créent leur boîte à Angoulême pour retrouver du travail
L’Entreprise Éphémère a vu le jour pour sept semaines au Champ-de-Mars à Angoulême ce mardi. Jusqu’au 18 décembre, 59 demandeurs d’emploi créent une société avec un but : retrouver du travail. Ils toqueront à la porte des entreprises charentaises pour rencontrer des recruteurs.
Une nouvelle entreprise a vu le jour au Champ-de-Mars à Angoulême, en lieu et place de l’ancienne pharmacie Joubert. Une entreprise un peu particulière, éphémère, dont on connaît déjà la date de fermeture : le 18 décembre 2025. Sept semaines de durée de vie pour permettre à 59 demandeurs d’emploi de retrouver un travail. Pour ce faire, les 52 femmes et 7 hommes qui participent à cette aventure vont se structurer comme une vraie société. Pas pour faire du chiffre mais pour décrocher un job. Une première en Charente sous la houlette du cabinet de conseil Le 30 FAB qui a déjà créé des entreprises éphémères dans une soixantaine de villes en France depuis 2017.
Le but est de monter une mission commando, collective pour aller à la rencontre des entreprises du territoire « et prospecter les offres d’emplois cachés », indique Jean-Charles Jobart, secrétaire général de la préfecture. En ce premier jour, les demandeurs d’emplois ont baptisé leur entreprise : La bulle emplois.
1 Quelle méthode ?
L’entreprise est divisée en cinq services, comme dans une vraie PME. Un pôle ressources humaines qui aura pour mission « de refaire les CV, de les actualiser, de simuler les entretiens », détaille Stéphanie Rousseau, l’une des trois coaches qui encadrera ceux que l’on n’appellera plus des demandeurs d’emploi mais des associés. Il y aura aussi un service communication qui devra faire parler du projet. Un service « face à face », le cœur du réacteur composé d’une vingtaine de personnes et qui toquera à la porte d’un maximum d’entreprises charentaises.
« Ils sortiront en binômes ou trinômes tous les après-midi. Ils prospecteront en escargot, en commençant en centre-ville, puis on élargira le spectre », dit Stéphanie Rousseau. Le but, c’est de « chercher le marché caché de l’emploi. » Il s’agira de faire venir des patrons et recruteurs dans les locaux de l’Entreprise Éphémère pour des entretiens. Pour être convaincants, les associés apprendront à se vendre et à pitcher le projet. « On est toujours très bien reçu », ajoute Stéphanie Rousseau. « Les chefs d’entreprise adorent. Ce contact, on l’a perdu, c’est innovant. »
Par ailleurs, un « call center » sera constitué pour prospecter par téléphone ainsi qu’un service web et informatique. Cinq services, donc, mais pas de patron ! À chaque fois qu’un associé décrochera un travail, une cloche retentira dans l’open space.
« Ils sortiront en binômes ou trinômes tous les après-midi. Ils prospecteront en escargot, en commençant en centre-ville.”
2 Qui sont les demandeurs d’emploi ?
52 femmes et sept hommes venus de tous horizons. « Une grande diversité », dit Jean-Charles Jobart. 23 associés ont moins de 30 ans, 28 plus de 50 ans. On retrouve aussi 15 travailleurs en situation de handicap, 10 venus des quartiers prioritaires de la ville. 50 sont au chômage depuis plus d’un an. Les profils sont très différents : des ouvriers, des responsables RH, des auxiliaires de vie, des caristes, des personnels de la restauration et même un guide conférencier. Ils ont été orientés par France Travail, partenaire de ce projet ou encore Cap Emploi et la Mission locale.
3 Quel résultat en attendre ?
Tous viennent pour retrouver confiance en eux et bien sûr décrocher un travail. Selon des chiffres issus des expériences dans les autres villes, 35 à 50 % des associés sortent avec des solutions positives : une formation longue ou un emploi. Et 60 à 70 % des participants retournent vers l’emploi dans les six mois. Encourageant. Pour ceux qui n’auront pas de job à l’issue des sept semaines, un accompagnement hebdomadaire est prévu.
4 Comment est-ce financé ?
Pour financer le projet, les différents partenaires ont pu compter sur deux enveloppes versées par deux grands groupes qui ont procédé ces dernières années à des plans sociaux. Ce qu’on appelle des enveloppes de revitalisation. Il y a d’abord 72 000 euros venus de Coveris qui avait fermé son site d’emballage alimentaire, à L’Isle-d’Espagnac début 2023, laissant 55 personnes sur le carreau. Mais aussi 88 000 euros versés par Conforama qui a procédé à un vaste plan social au niveau national. Jean-Charles Jobart se félicite que ces enveloppes permettent de financer « de l’innovation sociale ». France Travail a également participé à hauteur de 10 000 euros. La Ville d’Angoulême a fourni du mobilier et la galerie du Champ de Mars a mis à disposition les locaux. Quant aux demandeurs d’emploi, ils touchent leurs allocations, l’ARE (allocation de retour à l’emploi) ou encore l’ASS, l’allocation de solidarité spécifique.
« On est beaucoup à se sentir seuls »
Autant que retrouver un travail, les demandeurs d’emploi lancés dans cette aventure souhaitent aussi sortir d’une spirale négative. « Aujourd’hui j’ai vu qu’on est beaucoup à se sentir seuls », indique Mélinda Barbe, l’une des « associées » du projet. « On est dans un monde hyperconnecté et on oublie parfois le lien humain. » Stéphanie Rousseau, l’une des coaches abonde : « Il n’y a rien de plus dramatique que de rester chez soi seul devant un ordi. L’estime de soi baisse, on entre dans un cercle vicieux et c’est la dégringolade. Ici, ils retrouvent un rythme, se lèvent le matin pour retrouver leur service et leurs missions. » De quoi remettre le pied à l’étrier.
Thomas Gayou, 21 ans, a travaillé dans la restauration et il est au chômage depuis juillet. « Au début, on a l’impression qu’on va y arriver mais les refus, les non-réponses, ça peut être démotivant. Ici, tout le monde est souriant, ça fait un bien monstrueux », dit celui qui aimerait officier dans les ressources humaines. Un domaine dans lequel a travaillé Nathalie Talbot durant 21 ans dans une entreprise charentaise. La quinquagénaire de Linars est demandeuse d’emploi depuis août 2024, a suivi une formation pour devenir conseillère d’insertion professionnelle. Elle espère « retrouver un emploi et créer du lien social. Le fait d’avoir des coachs, c’est aussi une chance. » « On attend de voir les résultats ! », conclut Thomas Gayou.