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« C’est notre rôle » : cinq entreprises engagées ouvrent leurs portes aux réfugiés

Publié le 11/10/2025

Ce vendredi, 29 réfugiés ont pu visiter cinq entreprises charentaises du club Les entreprises s’engagent 16 : L’art des mets, la Scotpa, Lidl, Carrefour et l’ADMR. Une belle opportunité pour aider ces étrangers, qui ont dû fuir leurs pays, à retrouver un emploi.

« En Afghanistan, j’étais policier, mais j’ai dû fuir les Talibans car j’étais menacé de mort », explique Zaheri Abdoul-Tawab, 39 ans. Ce vendredi matin, il était accueilli, comme quatre autres réfugiés charentais, au restaurant L’art des mets, qui leur ouvrait ses portes, pour faire découvrir les métiers de cuisinier, de serveur. Dans le cadre de la semaine de l’intégration, cinq entreprises membres du club Les entreprises s’engagent 16, proposaient hier des portes ouvertes à des réfugiés bénéficiaires de la protection internationale. Au total, 29 réfugiés ont pu visiter la base logistique de Lidl de Vars, Carrefour Soyaux, l’ADMR de Saint-Yrieix, et la Scotpa à Gond-Pontouvre.

« C’est sûr que la cuisine, ça n’a pas grand-chose à voir avec la police », sourit Zaheri, « mais j’adore cuisiner, depuis toujours, pour ma famille, mes amis. Alors ça pourrait m’intéresser d’apprendre ce métier », confie-t-il. « C’est une chance de pouvoir découvrir comment ça se passe. Il faut que je trouve du travail ». Arrivé en 2022 à Bordeaux, il vient d’être rejoint, il y a quelques mois, par sa femme et leurs quatre enfants de 11, 16 et 17 ans, et a déménagé à Soyaux.

« C’est notre rôle de leur montrer que s’intégrer à une entreprise française, c’est possible pour eux. »

« J’ai déjà pris plusieurs stagiaires réfugiés » (Fabrice SALZAT)

« Le matin, j’arrive vers 8h et je fais la mise en place pour le midi », leur montre volontiers Fabrice Salzat, le gérant de L’art des mets, qui a rejoint le club Les entreprises s’engagent en juin dernier, et pour qui « c’était une évidence d’accepter » d’ouvrir son établissement. « Je commence par faire mon pain, puis je prépare les cèpes, les figues… Ici, je fais cuire les lentilles. Et là, je précuis les filets mignons qui seront en plat du jour ».

« J’ai déjà pris plusieurs stagiaires réfugiés », leur raconte-t-il. « Un qui venait du Mali, un autre de Thaïlande, et on s’est beaucoup apporté mutuellement. Ils m’ont parlé de leurs cuisines, fait découvrir leurs épices, leurs manières de travailler. Dans ce métier, il faut surtout être passionné, avoir envie, et oser pousser les portes », leur a-t-il conseillé.

Maksym Bobovyk, 48 ans, a bu toutes ses paroles, et retenu la leçon, il lui a laissé son CV. En Ukraine, il était ingénieur mécanique, diplômé d’un bac + 5 de l’université d’État, mais depuis qu’il a dû fuir, il y a trois ans, et vit à Bonneuil, il multiplie plutôt les expériences en cuisine. Comme aide-cuisinier au Casse-croûte charentais, à l’hôpital, au restaurant « Les belles sœurs », etc. « J’aime beaucoup cuisiner les ribs, les champignons farcis au lard, le tian provençal », liste-t-il avec enthousiasme. « Le tian, c’est une belle recette traditionnelle, mais aujourd’hui la tendance c’est d’ouvrir les classiques pour y apporter sa touche », échange le chef charentais.

« C’est notre rôle d’entrepreneur de leur montrer que travailler, s’intégrer à une entreprise française, c’est possible pour eux », assure Alban Blévin, PDG de la Scotpa, Scop du BTP à Gond-Pontouvre, et leader du club Les entreprises s’engagent 16. Lui aussi accueillait ce vendredi matin plusieurs réfugiés qui s’intéressent aux travaux publics. « Ici, nous avons par exemple embauché en 2020 Ali, un jeune Irakien qui avait dû fuir son pays, comme vous. Aujourd’hui, il parle parfaitement le français et s’est totalement intégré à l’équipe, c’est notre rayon de soleil. Il est même en passe de devenir chef d’équipe », illustre l’entrepreneur tout en leur montrant les différents métiers de l’entreprise.

« Je travaillais déjà comme peintre dans mon pays, le Soudan », explique Omar Abdoul-Karim, 22 ans. « Mais j’aimerais bien conduire des machines comme celles-ci. J’ai compris qu’il fallait d’abord que je passe un permis spécial », sourit-il, casque vissé sur la tête et gilet jaune sur le dos. Comme Aboalgassim Ahmad, 28 ans, venu lui aussi participer à la visite, il a fui la guerre du Soudan via la Lybie, la Tunisie puis l’Italie et est arrivé en France, à Saintes, en 2023, et depuis quelques mois en Charente. Aboalgassim, lui, était mécanicien au Soudan. « Je voudrais faire une formation, mais j’hésite entre la mécanique et les travaux publics, alors c’est une belle opportunité de découvrir la Scotpa. Ça va m’aider à choisir ».

« C’est une véritable bouée pour eux »

« Ce genre d’initiative des entreprises, c’est une véritable bouée pour eux », commente Bertrand Barbet, responsable du Centre provisoire d’hébergement (CPH) de Confolens, où vit Omar, qui devra bientôt voler de ses propres ailes. « Au centre, on essaie de les préparer au monde du travail français, ces portes ouvertes sont un véritable trait d’union ».

« Ça les ouvre à ce qu’ils pourraient faire demain, ça les aide à se projeter », assure Marie Peduzzi, coordinatrice de l’association Viltaïs, qui porte le programme AGIR, partenaire de l’événement. « C’est la 2e année que le club Les entreprises s’engagent de Charente, participe à cette opération. On essaie de s’adapter au maximum aux secteurs qui intéressent les réfugiés », assure Dounia Rezzouki, animatrice du club. « Cette année, AGIR nous a dit bâtiment, aide à la personne et restauration, alors on a sélectionné les entreprises en fonction ».

« Un meilleur avenir pour mes enfants »

« Ah non, la restauration ce n’est plus pour moi, j’ai déjà beaucoup fait à manger pour beaucoup de monde en Centrafrique puis au Cameroun », sourit Kadiza Zaïmou, 47 ans, qui participait ce vendredi aux portes ouvertes du restaurant L’art des mets. Si elle était là, c’est pour accompagner sa fille Aché Mahamatzen, 20 ans, qui, elle, adore la cuisine. « Je cuisine beaucoup à la maison le poisson, le poulet, le riz. Dans notre culture, il y a beaucoup d’épices, de riz, de manioc… », décrit-elle. « Mais c’est la première fois que je visite un restaurant français », confie-t-elle, un peu impressionnée mais captivée. Sa maman a été plus intéressée par la visite de l’ADMR, elle aimerait travailler dans la petite enfance ou comme aide-soignante. Cela fait 16 ans qu’elle a perdu son mari et fui la Centrafrique avec ses 4 enfants. Ils se sont longtemps réfugiés au Cameroun où Kadiza a travaillé comme accompagnatrice d’autres réfugiés pour des ONG mais aussi auprès de jeunes enfants de 2 à 5 ans. Elle a demandé à bénéficier d’un programme de réinstallation des réfugiés qui permet à ceux qui ont fui dans un pays tiers d’être accueillis en Europe. « Je voulais un meilleur avenir pour mes enfants », assure-t-elle. « Et pour Aché, ce sera peut-être dans la restauration ».

Par Amandine Cognard, publié le 11 octobre 2025 à 9h35 - Charente Libre.